Je le maintiens, persiste et signe : le simple fait d'utiliser et de prendre au sérieux le terme de woke ou de wokisme disqualifie automatiquement celui ou celle qui l'emploie.
Cela situe en outre assez précisément son interlocuteur sur une échelle politique qui va de l'extrême droite à l'extrême gauche. (Non, cette vision n'est pas désuète). Inutile de vous dire que le curseur ne marque pas résolument la gauche pour de vrai (c'est à dire pas celle de Valls et consorts, dont on voit bien aujourd'hui à quel point elle est soluble dans le macronisme, donc plutôt poreuse envers l'extrême-droite).
Un journaliste qui se veut malin et prétend prendre de la hauteur dans le débat politique a cru bon de chevaucher Rossinante avec sa lance démesurée afin de pourfendre "le mouvement woke". (On ne rit pas). Il se trouve qu'il revendique son appartenance professionnelle à Rue 89 Strasbourg. Un élément de surprise de plus face à la teneur du discours, que l'on verra ci-après. Car le quidam n'est qui plus est pas n'importe quel journaliste Lambda de Rue89 :
Depuis certains épisodes passés de mon ancienne vie antifasciste, je tenais pourtant ce titre en haute estime. Un titre de presse qui a pour ennemi Bolloré ne peut pas être vraiment mauvais, n'est-ce pas ? ;) Je me souviens notamment de certains papiers qui ont forcé mon respect. Mais visiblement, si j'en juge par le quidam qui nous prend de si haut à présent, Rue89 Strasbourg, ce n'est plus ce que c'était...
Le Monsieur nous assène en effet ceci :
Et il aggrave son cas en poursuivant par cela :
Tentons une analyse et un développement, dont notre éthique nous oblige à préciser qu'ils seront forcément limités au format d'un billet de blog, c'est à dire court et lisible, si possible. Mais cela sera certainement plus concluant que celui d'un site de micro-blogging limité à 300 caractères, ce qui vous l'avouerez est particulièrement frustrant et ne permet guère l'argumentation et les précisions, notamment sur l'idéologie qui nous anime, tout comme notre protagoniste.
La mienne est claire, et transparait derrière les deux blogs que j'ai animés dans ma vie, en plus de mes combats personnels que mon entourage personnel connait bien. Celle de notre protagoniste reste à préciser. Mais nous avons déjà des indices. Permettez que je vous mette sur la voie...
Tout d'abord, ledit "journaliste" pose comme vérité irréfutable que "le mouvement woke est un cancer qui nous vient de la gauche". Un troll d'extrême-droite n'aurait pas dit mieux, ou plutôt pire, très franchement. Je rappelle que le pseudo concept "woke" provient en effet de l'extrême-droite, via le mouvement alt-right (américain, pro-Trump), et qu'il sert uniquement à disqualifier leurs ennemis politiques. Le reprendre à son compte est donc d'une monumentale connerie si l'on prétend se situer dans un courant progressiste. Mais je ne connais pas ce Monsieur, cela reste donc à démontrer...
Ensuite, ce terme recouvre des pensées tellement disparates sans lien flagrant entre elles qu'il se comporte comme une sorte de blob sans consistance, sans structure, et sans contours définis, qui absorbe peu à peu tous les matériaux qu'il peut "digérer", ce qui me permet de le qualifier assez invariablement, sans trop de risque d'être contredit (sur un registre rationnel et scientifique, j'entends), de pseudo-concept flou. Je défie quiconque de m'en donner une définition qui tienne la route, sauf à amalgamer des familles de militants et des combats qui face à une même guerre idéologique peuvent en effet dans les manifestations s'agglutiner par opportunité et parce que l'union fait la force face à un adversaire puissant. Mais lequel ? C'est plutôt, là, cette question qui est intéressante.
Mais visiblement, notre interlocuteur ne se la pose pas, puisque son ennemi personnel est nommément désigné. Il se trouve que je suis plutôt fier de représenter cet ennemi là. je me bats contre les discriminations, qu'elles se nomment racisme, islamophobie, sexisme, homo ou transphobie, haine et mépris des personnes qui subissent l'obésité ou tout porteur/se de handicap (handiphobie). Je suis donc la cible toute désignée de ce Monsieur. Pourtant, je maintiens que le wokisme n'existe pas puisque c'est une somme de tout ce que les réactionnaires détestent, c'est à dire une pensée progressiste, humaniste, constituée de multiples luttes, et non une réalité intellectuelle tangible, mesurable et palpable, comme peut l'être, en termes de concept, un vrai, le marxisme par exemple. D'ailleurs, je suis frappé de constater empiriquement à quel point ce prétendu wokisme qu'il ne s'agirait pas de nier selon notre interlocuteur va de pair avec le complotisme. Les acteurs sont les mêmes. Ils sont du genre à relier des points entre eux de manière totalement arbitraire ou imaginaire (1) afin de légitimer leur discours, éminemment réactionnaire. Devrais-je après tout me percevoir comme un dangereux ennemi de l'humanité parce que précisément je défends une certaine conception humaniste, anti-raciste, et luttant contre les haters de tous poils qui obstruent nos réseaux (a)sociaux ? C'est absurde. La lutte intersectionnelle a ses raisons que l'imbécile ne connait pas.
La deuxième publication de Monsieur France nous impose donc - sur un ton professoral du type qui ne maîtrise pourtant pas son sujet et n'a fait que reprendre une définition de dictionnaire - que "L'idéologie woke est issu (2) de la théorie critique de la race". C'est faux. Comme je l'écrivais dans mon précédent billet sur le même sujet, c'est une agrégation de luttes contre les discriminations, dont l'anti-racisme n'est qu'un ingrédient, certes important, mais pas exclusif. Un autre, non moins important, est constitué par les luttes féministes, et encore un autre par celui qui devrait représenter leur convergence : les luttes intersectionnelles. Mais arrêtons nous sur ce premier matériau quand même, l'anti-racisme, pour nous mettre au niveau de notre interlocuteur...
Tous les antiracistes savent fort bien que ce que l'on nomme racisme systémique est à considérer d'un point de vue assez Bourdieusien, en se posant une simple question : qui domine ? Il ne m'est pas apparu qu'en France, comme aux Etats-Unis, ce soient les femmes noires handicapées ou homosexuelles qui aient prix le pouvoir, et les blancs catholiques valides qui soient en position d'exploitation et de domination. Mais de cela, Monsieur n' a visiblement cure puisqu'il choisit de mépriser d'emblée une doctrine qu' il ne maitrise manifestement pas. Alors un premier conseil assez pragmatique, Monsieur le Directeur de publication : dans mon milieu, quand on ne sait pas de quoi on parle, chez moi, on ferme sa gueule, et on écoute, ou on se renseigne d'abord. Une manifestation de mon fascisme, sans doute, Monsieur France ? Je souris... Jaune. Car ce que vous écrivez et pensez, comme de nombreuses professions intellectuelles contaminées par l'esprit (ou la lettre ? ) du Printemps Républicain (3) fait beaucoup de mal à notre société qui n'avance visiblement pas vers le meilleur. J'aurais encore beaucoup de choses à dire et à écrire, mais comme j'en ai averti au commencement de ce texte beaucoup trop long, le format "billet de blog" m'oblige. J'arrête donc là, n'en pensant pas moins.
Mais voir ce Monsieur pleurnicher et se poser en victime, alors qu'en réalité, c'est lui l'agresseur, comment dire... Non, rien, ça vaut mieux.
(1) le fil d'Ariane qui leur fait donner du sens à tel ou tel événement n'appartient qu'à eux, assez exclusivement, et
tous ceux qui les contredisent et leur font remarquer l'irrationalité de
leurs discours n'ont - forcément ;) - pas la clé de LEUR sens de rotation
des idées et des enchaînements d'explication)
(2) La faute d'accord avec le substantif "Idéologie" est d'origine, ce qui est accablant non par pour un illettré, pour quelqu'un.e qui serait en situation de FLE, ou de quelqu’un qui subirait des troubles dys, mais pour un "Directeur de publication" comme il se pose dans sa bio, SI. J'ACCUSE ! ;). Bref.
(3) ... Du Printemps Républicain au sens strict de ses adhérents, mais plus largement aussi des républicanistes qui sucent la roue de l'extrême droite, plus proches de la Fondapol que de Contretemps, dans un sillage incessant de polémiques toxiques comme je l'ai déjà amplement démontré. Les mêmes qui sont partis en guerre contre Wikipédia.