Nathalie Saint-Cricq est connue pour ses pseudo-analyses politiques consensuelles, où rien ne dépasse (si ce n'est sa fâcheuse tendance aux piques assez systématiques envers la gauche du PS, qu'elle déteste un peu trop visiblement), toujours très orientées et favorables aux pouvoirs dominants. C'est ce que l'on appelait autrefois dans notre jargon, au temps plus florissant des blogs politiques, et de leur palmarès Wikio (1), les "journalistes couchés" : sens critique atrophié, toujours éminemment serviles envers les puissants de ce monde, conception libérale/prédatrice de l'économie, que les inégalités sociales ne dérangent pas vraiment... et j'en passe.
Il se trouve que cette charmante personne habituée des plateaux TV, membre de la caste médiatique des Duhamel, qui ont visiblement une rente de situation sur la télé publique, vient d'être nommée mi-mars directrice de la rédaction nationale de France Télévision.
On lui avait déjà reproché à l'époque ses liens familiaux avec la collectionneuse de casseroles polémiques que fut l'ancienne et brève ministre des sports Amélie Oudéa-Castera... C'est en effet sa nièce, et l'on peut considérer à juste titre qu'elle était en position de lui réserver un traitement de faveur, ce qui est contraire à la charte journalistique, surtout sur le service public.
Mais voilà qu'aujourd'hui les syndicats de journalistes de France Télévisions sont vent debout contre sa nomination, pour des raisons qui leur appartiennent et que je comprends :
« Que dire, si ce n’est que cette nomination est celle d’un clan
qui se serre les coudes et qui se répartit les postes en circuit fermé !
Difficile d’y voir un renouveau, un élan… Nathalie Saint-Cricq
représente l’ostracisation, le contraire du pluralisme, et le management toxique très présent dans ces nominations à la rédaction nationale comme à franceinfo ! » (source)
Mais ce à quoi je veux en venir, par delà cette nomination qui m'a surpris, n'étant qu'un néophyte dans les arcanes des pouvoirs médiatiques des uns et des autres, c'est l''une de ses dernières déclarations publiques, où elle a si visiblement
franchi la ligne rouge que devrait lui imposer sa fonction.
Voilà ce qu'en dit l'excellent Samuel Gontier dans sa chronique hebdomadaire dans Télérama :
... et voici le communiqué du SNJ à propos de cette affaire :
Les éditos qui abîment le journalisme
“Ce qui est sûr, c’est qu’on n’avait pas franchement besoin de ça
dans la situation politique actuelle. Je précise que les juges avaient
totalement le droit de prendre cette décision. On peut se dire
simplement qu’ils ont un petit peu eu la main lourde”.
Ces propos critiques à l’égard de magistrats indépendants ont été
tenus lundi soir, sur le plateau du journal de 20 H de France 2.
L’ont-ils été par une personnalité de droite, ou d’extrême droite,
venue commenter la condamnation de Marine Le Pen ? Pas du tout. Cette
opinion est celle… de la nouvelle directrice de la rédaction nationale,
qui avait choisi de s’inviter dans le JT afin d’éclairer des millions de
téléspectateurs avec un éditorial consacré à cette décision de justice.
Un éditorial est un exercice journalistique particulier qui est censé
refléter “l’orientation générale” d’un titre de presse. Mais dans les
JT de France 2, cela fait bien longtemps que les éditos ne sont plus
discutés avec la rédaction. Aujourd’hui largement dévoyé, notamment dans
l’audiovisuel, cet exercice est devenu le symbole d’une dérive, celle
des chaînes qui privilégient l’opinion à l’information.
Il est aussi devenu le symbole d’un gouffre entre des “vedettes” qui
peuvent tout dire et tout commenter à l’antenne (parfois sans expertise
aucune sur le sujet) et la grande majorité des journalistes, dont on
exige réserve et “neutralité”, y compris sur les réseaux sociaux. Il est
devenu le symbole de l’existence d’une caste médiatique, très éloignée
du reportage, mais très proche de certains pouvoirs.
Dans son édito de lundi soir, la directrice de la rédaction est donc
revenue sur la condamnation d’anciens cadres du Front National (le nom
du parti à l’époque des faits) dans l’affaire des assistants
parlementaires européens.
Pour Marine Le Pen, deux ans de prison ferme et cinq années
d’inéligibilité avec exécution provisoire, et donc applicable
immédiatement même avec un appel de fait non suspensif.
Commenter publiquement une décision de justice est encadré par
l’article 434-25 du code pénal. Sans s’en soucier le moins du monde, la
directrice a choisi de relayer la thèse d’un jugement problématique,
disproportionné, politique. Selon elle, les juges ont eu la “main
lourde” et ont donc porté préjudice à Marine Le Pen. La directrice de la
rédaction nationale pointe du doigt les magistrats.
Cette phrase était de trop. On peut aussi considérer que cet “édito”
était de trop, après plusieurs dérapages. Mais l’essentiel n’est pas là :
il n’est jamais trop tard pour s’interroger, collectivement, sur nos
pratiques et nos responsabilités. À l’heure où l’extrême droite est aux
portes du pouvoir, où l’État de droit n’est qu’une opinion pour
certains, il y a urgence.
Le SNJ demande depuis des années une réflexion collective sur le rôle
des éditorialistes à France Télévisions. Mais au-delà, portons la
réflexion sur la place de “l’opinion” dans nos éditions d’information et
sur la concentration du pouvoir éditorial entre quelques mains. Il est
temps de mettre fin à ces dérives, au malaise qu’elles suscitent dans
nos rédactions, et au préjudice qu’elles portent au service public.
Paris, le 2 avril 2025
Source
Pour ma part, je considère en effet que cette déclaration ne fait que relever de ce que je nommais mardi (et je ne suis pas seul à le penser) "la trumpisation de la fRance". Quand j'y ai assisté en direct, je n'ai pas pu cacher en effet un petit rictus de désapprobation. A sa place, et sa fonction, qui l'a autorisée à dire cela ? Et qui sont ces gens, quelle est cette caste qui a si visiblement intérêt à protéger Marine Le Pen et le RN ? La neutralité de l'information de service public ne peut que s'en retrouver abîmée, qui prend parti... Mais cela ne m'étonne guère venant précisément de cette personne, dont je connais le positionnement servile et entendu, comme je l'écrivais en début d'article.
A suivre donc. Mais il ne faut pas trop s'étonner après cela de ce que je dénonçais virulemment hier à propos du traitement de l'information... et de la place d'honneur réservée à l'extrême-droite, alors que ce devrait être plutôt celle du déshonneur.
(1) j'ai ainsi eu le plaisir bref mais intense de ravir la première place à l'infâme Jegoun, et d'être premier sur le podium, avec mon ancien blog... J'en souris. Une autre époque, révolue. Que reste-t-il de tous ces blogs ? Bien peu ont survécu !