Si l'on juge la grandeur d'un pays à la façon dont elle traite ses pauvres, nul doute que le nôtre soit à juste titre déconsidéré. Le collectif Les Morts de la rue, dont je suis attentivement les actualités depuis de nombreuses années, est là pour nous le rappeler avec gravité. Son décompte macabre tristement habituel, m'apparait dans mes fils d'actualité comme une bulle de conscience et de lucidité douloureuses, destinée à nous rappeler de ne surtout pas oublier nos morts comme nous aurions méprisés ces vivants, fussent-ils démunis, marginalisés, et rejetés par une société qui ne tolère que très difficilement ceux qu'elle nomme pudiquement, en langage technocratique, des "SDF"... comme pour leur ôter leur dernière part d'humanité insupportable, tant ils agissent en miroir de nous-mêmes. J'ai été personnellement touché par ce fléau, autrefois, à la suite dune rupture affective, bien que ce ne fut que pour quelques mois seulement, heureusement. J'avais alors encore la chance, contrairement à beaucoup, de bénéficier d'un réseau personnel qui m'a maintenu la tête hors de l'eau, et de ressources intérieures qui m'ont permis à force d'obstination et de persévérance d'enfin retrouver un logement malgré la faiblesse de mes revenus. Un havre de paix après la tempête... Merci les Habitations à Loyer Modéré.
Je discutais avec l'une de ces personnes, un vieil homme sans logement fixe (dont je m'aperçois un peu tard que j'ignore son prénom), sur une place de Sarrebourg, alors qu'il était venu s'assoir près de moi sur le banc, pendant que ma compagne téléphonait. Il me disait l'âpreté de sa vie, qui n'était pas vraiment rose... Je lui ai répondu que j'avais plus de chance, que la mienne était plus soutenable, en dépit de mes propres soucis matériels du jour. Je n'oublierai jamais en effet la chance d'avoir un toit, de quoi manger et me vêtir, un boulot qui me permet de subvenir au quotidien et même de me payer du superflu, de belles vacances, et surtout cette stabilité affective qui me nourrit et me renforce chaque jour un peu plus. L'amour réciproque fait beaucoup pour le bonheur, je crois.
Et donc, voir comment ce pays traite ses pauvres, voir pour seul exemple concret, loin des discours de compassion hypocrites de certain.e.s, ce mobilier urbain hostile que des ingénieurs s'ingénient à concevoir pour leur interdire de se coucher, ou même de s'assoir confortablement, leur offrant une pause bienvenue dans leur errance, voilà qui manifestera à mes yeux pour toujours le summum de la méchanceté humaine égoïste et sans scrupules d'aucune sorte. Une ingéniosité malveillante et cruelle.
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Cette année, le collectif Les Morts de la Rue nous apprend donc que cette année a été encore plus meurtrière pour les plus défavorisés d'entre nous que les précédentes. Si j'avais le cynisme et la froideur des gens qui calculent plus qu'ils ne ressentent ce qui représente pour eux des phénomènes abstraits, je dirais simplement que l'Etat français, appuyé en cela par la promesse de campagne d'un certain candidat à l'élection présidentielle, a encore une marge de progression certaine en la matière :
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Leur guerre. Nos morts.
Le reste appartient à mon silence...
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