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Sur le #féminicide de Sanary-sur-Mer : la police est-elle coupable ?

 

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En apprenant dans quelles circonstances avaient eu lieu ce meurtre horrible, je suis passé de la sidération, à la colère et à l'effroi. Puis vient le moment de la réflexion. Comment un tel drame peut-il se produire alors que les détenteurs officiels de la sécurité des personnes dans ce pays étaient passés quelques heures avant pour accomplir leur mission ? 

Quand on évoque le terme de féminicide, plusieurs échos me parviennent à l'esprit. Tout d'abord, je fais amende honorable. Je me souviens, il y a plusieurs années, avoir eu des réactions plutôt négatives à ce sujet sur les réseaux sociaux. Je contestais alors fermement ce terme, enfermé dans l'idée qu'il ne servait à rien d'inventer un nouveau terme pour un fait qui existait, et qui en fonction de l'intentionnalité se nommait meurtre ou assassinat. Et puis un jour, le temps aidant, ma réflexion s'est débloquée, et je suis allé googliser un peu... 

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... Et si, en l’occurrence, dans le contexte, au vu de l'illustration choisie par les rédacteurs de l'article de wikipédia, il s'agit bien d'un homicide, pourquoi donc ne serait-ce pas tout simplement un féminicide quand un homme ôte la vie d'une femme ? Voilà qui permet de faire avancer au moins là, à cet endroit exact, celui du vocabulaire, la cause des femmes. Désignons correctement et précisément ce qui doit l'être, pour pouvoir espérer ensuite que l'action suive. Car si le féminisme gagne un pan de territoire en arrachant à la langue française ce terme spécifique, il y gagne aussi en ouvrant une porte de réflexion pour chacun.e. Cela m'a mis sur la voie de la compréhension qui suit : un féminicide n'est pas un simple meurtre. C'est aussi un acte ultime destiné à imposer une fois pour toute le règne de la suprématie masculine, qui doit impérativement, coûte que coûte, y compris au prix d'une vie, celle d'une femme justement, avoir raison jusqu'à l'horreur. L'emploi de la force, un attribut traditionnel de la virilité, doit faire taire la voix rivale, à qui on dénie le droit d'avoir une vision différente, un poids égal, et une réflexion autonome. 

Et pour en revenir à notre couple sexagénaire de Sanary sur Mer, tous les détails ont leur importance. Et je m'y suis attelé, en suivant le chemin que pourrait emprunter n'importe quel lecteur curieux de cette affaire. J'apprends par cet article que la Police a été alertée par un proche de la famille, qui a aussitôt arrêté l'auteur des faits, le mari de la victime, qui l'a tuée avec "une arme blanche". Cet autre article du même site nous informe d'un détail qui impacte aussitôt avec force nos émotions :

la police s'était présentée au domicile du couple moins deux heures avant

 Et donc, là, à ce moment précis, l'émotion prend le dessus : "comment est-ce possible ? Alors que ces policiers venaient de passer, le mari tue sa femme ? N'était-ce pas tristement prévisible ? Pourquoi n'ont-il rien fait ? Et puis l'on se ravise : "qu'ont-ils fait pour que cela ne se produise pas ?" Et l'on découvre dans cet autre article encore  qu'ils ne sont, contrairement aux apparences, pas restés les bras croisés sans rien faire, à sonner, écouter quelques minutes, et repartir les bras ballants : 


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 Dans ce même article, on nous apporte l'information qu'on dirait tirée de la bouche d'un flic que "Mari et femme étaient alors alcoolisés et en plein différend conjugal "exclusif de toutes violences ou menaces". Voilà qui commence à sentir la tentative de déculpabilisation à plein nez. Comme si le fait que les deux personnes étaient alcoolisées justifiaient à postériori ce drame... Ce terme surtout "exclusif de toutes violences" sonne comme un aveu, comme la volonté de se dédouaner à peu de frais. 

Mais un autre détail qui a son importance vient remettre de l'huile sur le feu dans le dossier à charge de ces policiers :

 le couple était en instance de séparation

 D'où mon émotion du début : le drame horrible n'aurait-il pas pu être évité par l'intervention policière ? L'issue fatale n'était-elle pas tristement prévisible ? Quelle est la procédure en pareil cas ? Quels ordres précis, quelles recommandations leur a-t-on donnés ? Ont-ils bénéficié d'une formation sur les violences conjugales ? Quel en est le contenu ? Pourquoi n'ont-ils pas mis cette femme à l'abri, sachant que quelqu’un qui possède plusieurs armes chez lui ne m'apparait pas vraiment comme quelqu’un de particulièrement inoffensif... Travailleur social d'origine, j'ai toujours eu pour préconisation, en cas de conflit quel qu'il soit, de séparer l'agresseur et sa victime, ou les acteurs d'un conflit, au moins dans un premier temps. Pourquoi donc ces policiers n'ont-ils pas eu ce réflexe salutaire là ? Je suis déjà intervenu personnellement à plusieurs reprises en entendant des cris de femmes près de chez moi, et bien que je ne sois pas flic, c'est exactement ce que j'ai fait ! Alors pour des tenants du monopole de la seule violence légitime admise, et garants en contrepartie de la sureté des personnes, pourquoi ici tel n'a pas été le cas ? Je m'interroge... et je ne suis visiblement pas le seul :

Une enquête administrative a été ordonnée visant la police qui était intervenue vendredi 2 février au domicile d'un couple à Sanary-sur-Mer (Var), quelques minutes à peine avant que le mari, un sexagénaire en état d'ébriété, tue sa femme, a annoncé samedi le parquet de Toulon. (source)

Je suis l'affaire.  Mais je doute déjà fortement que le fonds soit jugé, pour de nombreuses raisons. Le fait que la Police soit juge et partie par le biais de l'IGPN qui n’incrimine JAMAIS frontalement ses collègues, ou de manière très timide. Le fait que ceux qui se prononceront sont majoritairement des hommes, et qu'ils sont toujours solidaires d'un régime patriarcal. Et le fait que le système médiatique est ainsi fait qu'il ne va que très marginalement au fonds des affaires qu'il évoque à un moment donné, en raison d'une motivation essentiellement sensationnaliste, et mercantile. Le monde de l'information est soumis à des règles de rentabilité immédiate. Mais je vais essayer de suivre ce dossier de près. J'ai déjà lancé l'alerte. D'ailleurs, grâce à Var Matin, je sais déjà où a eu lieu précisément ce féminicide :

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