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Auteur : Fred Sochard (source) |
Quitte à choquer le bien-pensant, dont la réflexion (ou plutôt son manque) est si bien formatée par le prêt à penser que sont les informations des principaux médias, je refuse de céder à l’injonction collective actuelle de la solidarité avec les agriculteurs, assortie qui plus est d'un appel au grand élan patriotique. Très peu pour moi : je suis athée, de cette religion de la Nation là aussi. A titre personnel, je ne défendrai certainement pas indistinctement un mouvement de révolte aux fondements certes respectables (le droit de vivre dignement de son travail), mais dont les acteurs sont aussi hétérogènes, pour ne pas dire hétéroclites.
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Qu'y a t-il en effet de commun entre un agriculteur d'une petite exploitation laitière ou céréalière qui se voit contraint pour survivre de demander en baissant les yeux le RSA parce qu'il a tenté une autre céréale prometteuse et que depuis trois ans il ne dégage pas assez de revenus pour en vivre, et un agro-industriel qui représente la FNSEA, ce syndicat capitaliste de droite qui a accompagné tous les gouvernements dans leur logique purement productiviste et prédatrice jusqu'à la situation catastrophique dans laquelle se retrouve les petits agriculteurs aujourd'hui ? Qu'y a t-il de commun entre les petits paysans qui tentent de concilier rentabilité de leur production pour en retirer un revenu décent et respect des préoccupations environnementales, et agro-industriel productiviste à tout prix, quel qu'en soit le coût pour la terre qui le fait plus ou moins bien vivre, à coût de fertilisants et d'insecticides tellement toxiques que certains de ces travailleurs de la terre se suicident eux mêmes à petit feu en les utilisant, avec un coût certain pour leur santé personnelle ? Autant je pourrais me sentir proche et tout à fait solidaire d'un membre de la Confédération paysanne, autant je ne le serai jamais d'un autre de la Coordination Rurale. Je vous laisse chercher ce qui les oppose...Et puis, quelle considération pourrais-je avoir par ailleurs pour certains esclavagistes qui ne répugnent pas à exploiter de manière indigne des travailleurs étrangers en les hébergeant dans des conditions inacceptables et en les payant plus bas que terre ? Il y a paysan et paysan, agriculteur et agriculteur, ne vous en déplaise, Frustration mag. Je suis encore antifasciste, et ne me mélangerai JAMAIS avec un militant d'extrême-droite, qu'il soit agriculteur ou pas.
(On peut d'ailleurs signaler utilement à ce sujet ici que des militants fascistes ont profité de la mobilisation des agriculteurs pour s'immiscer dans leurs rangs afin de répandre leur habituelle soupe malodorante, en tentant d'intimider les journalistes qui s'y aventuraient...).
Ensuite, je voudrais évoquer la manière dont est gérée ce conflit par le gouvernement. Le dessin qui illustre ce billet est tout à fait évocateur de ce que je veux exprimer à présent. Nous sommes donc dans un pays où le sentiment démocratique est aujourd'hui réduit à sa plus basse, à sa plus médiocre expression. Cette crise des agriculteurs aura eu le mérite de démontrer factuellement, à l'aide de nombreux exemples irréfutables, que Darmanin a inauguré l'ère de l'arbitraire judiciaire absolu, inédit depuis la révolution française, caractéristique des régimes autoritaires pouvant aller potentiellement jusqu'au fascisme.
Selon son seul droit de regard, voilà quelqu'un dont il ne dépend que de lui et de lui seul (ou du positionnement idéologique qu'il incarne, fait de sympathies politiques ou de calculs électoralistes) qu'on condamne à de la prison ferme quelqu’un qui vole pour se nourrir, que l'on arrête arbitrairement tel ou tel militant écologiste (contre les nombreux projets écocides existants comme les méga-bassines pour seul exemple insupportable), ou humaniste (contre la réforme inique des retraites ou contre la Loi d'extrême droite sur l'immigration par exemple) pour la seule raison qu'il participe à une manifestation, sans même prendre la peine du prétexte facile de la violence, mais que l'on ferme outrageusement les yeux sur l'explosion, dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 janvier, qui a soufflé le bâtiment de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de l'Aude, à Carcassonne. Aucune condamnation publique non plus des incendies volontaires d'une MSA à Narbonne ou d'un centre des douanes à Nîmes hier.
Un deux poids deux mesures particulièrement choquant pour tous ceux qui ont subi ces dernières années des actes insensés de violences policières pour moins que cela... On ne peut pas prétendre que le mouvement agricole n'exerce aucune violence et évoquer comme le fait de manière aussi désinvolte le Ministre de l'Intérieur un soi-disant éco-terrorisme en désignant des militant.e.s qui ne font que tenter de préserver ce qui peut encore l'être par des moyens essentiellement pacifiques et symboliques. Jamais je ne tracerai un signe égal entre une explosion dans un centre administratif et la projection de peinture lavable à l'eau sur les vitres d'un bâtiment quel qu'il soit. Les notions de "justice de classe" et de "justice aux ordres" sont en train de prendre actuellement leur pleine dimension. Et l'équilibre démocratique commence sérieusement à être particulièrement déséquilibré. Faut que ça cesse. Le malaise est palpable.
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J'en terminerai par le (non) discours d'Attal hier, dont tous les médias aux ordres ont prétendu un peu hâtivement qu'il était à la hauteur, et de nature à désamorcer le conflit. Je m'interroge fortement sur les motivations d'un certain petit agriculteur coqueluche des médias qui a baissé un peu vite son pantalon, trop vite pour que je ne puisse pas le suspecter de sympathie avec l'ennemi... Que représente-t-il à part lui-même, celui qui à peine après avoir écouté religieusement ledit premier ministre - un peu pathétique avec ses souliers vernis et son petit costume cravaté dans une cour de ferme devant une botte de paille - a sans même avoir consulté sa base déclaré aussitôt qu'il levait le camp ? ça sent un peu la collaboration... Car Rien dans ce qui est annoncé n'est de nature à garantir dans les mois qui viennent un revenu décent pour chaque agriculteur, hormis ceux considérés à tort comme tels qui tireront toujours leurs marrons du feu. Car le fonds du problème n'est toujours pas traité. Rien ne cible frontalement les responsables de cette situation : l'industrie agroalimentaire et la grande distribution qui se gavent sur le dos des véritables producteurs de notre alimentation.
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Toujours est-il que le discours du Premier ministre n'a visiblement convaincu que Monsieur Bayle... et lui seul ? A suivre.
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