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Quand j'écrivais dans mon précédent article qu'une crise peut en cacher une autre, je ne pensais pas si bien dire... ou écrire. En effet, bien que j'étudie depuis maintenant de nombreuses années le traitement de l'information et comment elle est restituée sur les journaux télévisés aux heures de grande écoute, je suis toujours sidéré par ce phénomène assez édifiant qui consiste à se concentrer sur une information qui, bien que capitale, en chasse une autre qui était quelques heures auparavant tout aussi fondamentale que la précédente... Un cercle vicieux de l'immédiateté, relevant d'une logique de consommation d'information près mâchée et pré-digérée, duquel le journalisme ne parvient que trop rarement à s'extraire.
Avant ce billet sur la crise agricole, un antépénultième soubresaut n'en doutons pas (j'en ai connu tant, à mon âge, sans que le problème de fond, la prédation capitalistique, ne soit traité), je voulais parler cela va de soi, tant c'est un sujet crucial à mes yeux, de l'immonde loi dont l'inspiration est si clairement d'extrême-droite, et qui lui donne tristement raison, sur l'immigration. Le Pen peut exulter, on y reprend tous ses totems, brandis par elle et par son père comme par sa famille. Une caste.
Mais l'amnésie du monde de l'information n'a pas entamé ma mémoire (pourtant qualifiée comme celle d'un poisson rouge par mes proches dans la vie quotidienne). Je n'oublie pas les vilenies portées à nos valeurs communes, humanistes, et à l'esprit démocratique qui devrait pourtant prévaloir en toute décision publique. Nous en sommes bien loin. A propos de cette loi, aussitôt mal votée, aussitôt promulguée, jamais débattue en assemblée comme l'histoire l'a démontré, beaucoup se sont félicité de la décision du Conseil Constitutionnel qui rejette près de 40 % des articles.
L'examen du projet décrié est chaotique : il est repoussé une première fois en août 2022, après que le gouvernement a été privé de majorité absolue au parlement, puis ajourné en , au lendemain du vote de la loi sur les retraites, faute de majorité pour voter un tel texte. Il devient ensuite l'objet de négociations entre le gouvernement et Les Républicains, qui tentent de durcir le texte, et d'une surenchère de la droite unie au Rassemblement national, tandis que la NUPES est en retrait. Le projet de loi est relancé, dans une logique de surenchère sécuritaire, après l'attentat d'Arras en octobre 2023. Le texte proposé par le gouvernement est durci par les sénateurs, mais son examen est ensuite interrompu à l'Assemblée nationale par l'adoption d'une motion de rejet préalable. La commission mixte paritaire qui prend le relai valide l'essentiel du texte durci par le Sénat, essentiellement répressif. La droite et l'extrême droite sont victorieuses et la majorité se fracture après l'adoption du texte le . Le camp présidentiel défend le texte tout en espérant une censure partielle par le Conseil constitutionnel. Celui-ci remise en effet plus d'un tiers des articles, considérés comme des cavaliers législatifs: les dispositions concernant les prestations sociales, le regroupement familial, les titres étudiants, la délivrance du titre pour des motifs de santé, la remise en question du droit du sol, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, etc.
Le texte final, promulgué le , est plus fourni que celui proposé par le gouvernement mais conserve sa structure initiale, avec un large volet sur les procédures d'expulsion, une réforme de la procédure de demande d'asile, et, jusqu'à fin 2026, un nouveau titre de séjour pour les travailleurs des métiers en tension.
Pour ma part, bien qu'en partie satisfait de ce que les dispositions les plus ignobles de ce texte aient été invalidées - d'ailleurs non pas pour des questions de fond, mais de forme -, je ne peux pas me joindre au concert qui a accompagné la publication de la décision du Conseil dit "des Sages".
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Je ne suis pas du côté de ceux qui s'en félicitent, et considèrent que la page tournée (elle ne l'est pas, il y a maintenant dans ce pays une blessure, une cassure encore plus forte sur le sujet). Et encore moins du côté de ceux qui crient à l'imposture, au scandale, et pourquoi pas tant qu'on y est dans ce festival de n'importe quoi et de surenchère vindicative, au "Hold Up démocratique", alors que précisément, il me semble plutôt sain qu'il y ait au moins dans ce pays un minimum de vraisemblance de préservation de l'esprit si ce n'est démocratique, au moins de respect législatif et constitutionnel. Les gens qui ont répondu avec autant de virulence à cette décision (au point que même dans leur famille politique ils sont vilipendés) sont ceux qui précisément, arrivés au pouvoir, supprimerait le Conseil Constitutionnel pour faire passer les lois les plus anti-démocratiques qui soient. Des fascistes au sens strict du terme, qui ne s'embarrassent pas de considérations juridiques ou éthiques...
Cette loi, à présent, a été promulguée par un Président dont il est choquant de préciser qu'il s'est permis de le faire en toute désinvolture à plus de 7000 kilomètres de la France, préférant parader aux côtés d'un premier ministre indien nationaliste et raciste, impliqué dans plusieurs massacres de minorités ethniques ou religieuses.
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J'ai été très choqué d'observer à quel point la majorité gouvernementale s’enorgueillissait, à l'issue des décisions du Conseil Constitutionnel, de ce que leur texte ait été selon eux conservé, à l'abri des rejets de ladite institution. Je ne sais même pas comment, à moins de partager le point de vue de l'extrême droite, on peut être fier d'un texte qui représente à mes yeux une régression sociale, un repli sur soi nationaliste, et qu'il est motivé par la xénophobie et l'idée que les "étrangers" seraient tous des dangers potentiels, ce qui ne saurait représenter la réalité objective.
Voici les dispositions retoquées par le Conseil Constitutionnel ;
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Si j'en juge par l'analyse des associations bien mieux placées que moi pour juger le fonds de cette loi sur le registre juridique, et celles pour lesquelles j'ai le plus de respect en la matière, la décision du Conseil Constitutionnel est bien loin de favoriser une loi soi-disant équilibrée et porteuse d'une évolution positive, comme aimerait le faire croire les soutiens de Macron et sa bande :
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Voilà un extrait de que la Cimade exprime :
la loi composée des articles restant demeure malgré tout l’une des plus répressives depuis 1945. La suppression des catégories protégées contre les expulsions, l’extension sans précédent de la double peine, la fin de la stabilité des titres de séjour, le creusement des inégalités dans les territoires ultramarins, pour ne citer qu’elles, sont autant de mesures profondément attentatoires aux droits fondamentaux des personnes, qui stigmatisent, répriment, excluent et mettent en danger.
Cette séquence politique autour de la loi immigration aura ainsi de graves conséquences. Pour obtenir un accord avec la droite, sous les applaudissements continus de l’extrême-droite, il apparaît que le président de la République et le Gouvernement ont bien laissé sciemment adopter des dispositions contraires à la Constitution, au droit européen et international. Cela a donné à l’extrême-droite le champ libre pour tour à tour revendiquer une « victoire idéologique » sur les mesures adoptées ; avant de s’en prendre, après la décision du Conseil Constitutionnel, aux garant·e·s de l’Etat de droit et aux contre-pouvoirs que sont les syndicats, les associations et les magistrat·e·s.
Les principales circonvolutions de cette loi, les apports et retraits d'articles entre les passages par l'Assemblée Nationale et le Sénat sont observables ici.
Voilà les dispositions contenues dans cette loi :
1/ Expulsion des délinquants étrangers
Le texte permet d’expulser les étrangers en situation régulière en France condamnés pour des crimes ou délits punis d’au moins trois ou cinq ans d’emprisonnement, et qui constituent une "menace grave pour l’ordre public".
Sont concernés : les étrangers arrivés sur le territoire français avant 13 ans, ou résidant en France depuis plus de 20 ans, ou mariés à une personne française, ou parent d’un enfant français. Auparavant, ils ne pouvaient pas être expulsés sauf en cas "d’atteintes aux intérêts fondamentaux de l’État" ou pour des "activités à caractère terroriste".
Cette catégorie de personnes pourra désormais se voir notifier d’une Obligation de quitter le territoire français.
Cette disposition est la mesure phrase du ministre de l’Intérieur. Depuis des mois, il égraine quotidiennement sur sa page X (ex-Twitter) la liste des étrangers délinquants expulsés du territoire français. Jeudi soir, il a demandé aux préfets de se réunir au plus vite afin de "retrouver les délinquants étrangers qui ne pouvaient pas être expulsés auparavant, pour le faire immédiatement".
Gérald Darmanin veut ainsi dépasser le chiffre de 4 600 expulsions de délinquants effectuées en 2023 – une hausse de 30% par rapport à 2022.
2/ Régularisation des travailleurs sans-papiers
Avec la nouvelle loi, les préfets peuvent régulariser "à titre exceptionnel" les travailleurs sans-papiers employés dans les métiers en tension (bâtiment, restauration, aide à la personne…). En clair, un travailleur sans-papiers pourra demander ce titre de séjour sans l'aval de son employeur, comme c’était le cas jusque-là.
Cette régularisation prendra la forme d'un titre de séjour d'un an, délivré au cas par cas, à condition d'avoir résidé en France pendant au moins trois ans, exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers, et présenter un casier judiciaire vierge. Les emplois étudiants ou saisonniers sont exclus.
Cette "expérimentation" ne s'appliquera que jusqu'à fin 2026.
3/ Un juge contre trois à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
L’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est aussi réformée, dans le but de traiter au plus vite les demandes d'asile qui ont été déboutés devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
La loi entérine la généralisation du juge unique - contre trois actuellement, dont un juge assesseur nommé par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR). Ainsi, la formation collégiale ne sera saisie que "pour les affaires complexes".
Cette mesure faisait partie des revendications d'agents de la Cour, en grève en novembre dernier. La mise en place d'un juge unique aura pour effet "d’impacter la qualité des débats, des délibérés et des décisions", et portera "une atteinte grave au droit des requérants", avait déploré à InfoMigrants Sébastien Tüller, du syndicat Sipce.
La nouvelle loi déconcentre par ailleurs la CNDA en créant des chambres territoriales, c'est à dire des bureaux de la Cour en régions. Et des agents de l’Ofpra seront déployés dans toute la France dans le cadre d’"espaces France Asile".
4/ Refus d’un titre de séjour en cas de non-respect des "principes de la République"
Un étranger peut dorénavant se voir refuser un titre de séjour s'il n’accepte pas de signer "un contrat d’engagement au respect des principes de la République", dans lequel il s’engage à respecter "la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République".
Un demandeur qui refuse de signer ce contrat "ou dont le comportement manifeste qu’il n’en respecte pas les obligations" ne pourra obtenir aucun document de séjour.
5/ Maîtrise obligatoire de la langue française
Les personnes qui demandent une première carte de séjour pluriannuelle doivent désormais avoir une connaissance minimale de la langue française (niveau A2). Avant la loi, ces étrangers devaient avoir suivi un apprentissage du français dans le cadre du contrat d’intégration républicain, sans obligation de résultat. Ce n’est plus le cas.
Pour les étrangers demandant une carte de résident ou la naturalisation, le niveau minimal de français est relevé (niveaux B1 et B2).
6/ Mineurs
- Les personnes de moins de 18 ans ne peuvent plus être placées en centre de rétention administrative (CRA). Une mesure qui va dans le sens du droit international. Ces dernières années la France a été condamnée une dizaine de fois par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir enfermer des mineurs en CRA. Les adultes accompagnés de mineurs pourront être assignés à résidence.
- Les mineurs isolés étrangers placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et qui se voient délivrer une OQTF à leur majorité sont désormais exclus du dispositif de protection de l’enfance qui les protégeait jusqu'à 21 ans.
- Le texte permet aussi la création d’un fichier des mineurs étrangers isolés suspectés d’être des délinquants : il prévoit le recueil des empreintes digitales ainsi qu’une photo des mineurs étrangers isolés sans que leur consentement soit nécessaire.
7/ Délivrance des visas
La nouvelle loi conditionne la remise de visas à la bonne délivrance des laissez-passer consulaires par les États étrangers.
Ces documents, peu voire pas du tout délivrés par certains pays ( notamment le Maghreb), permettent aux autorités françaises de renvoyer un migrant en situation irrégulière dans son pays d’origine. Sans ce document, la mesure d’expulsion ne peut être appliquée.
8/ Protection des victimes des marchands de sommeil
Les sans-papiers victimes des marchands de sommeil qui portent plainte peuvent bénéficier d’un titre de séjour d’un an renouvelable pendant toute la durée de la procédure judiciaire.
source : Info migrants ici
Il y aurait de quoi écrire un roman pour chacune de ses dispositions scélérates si je m'y appliquais. Si pour seul exemple on demandait aux français de maîtriser au niveau A2 (contre B2 et B1 auparavant, voir ici pour les détails) j'en connais plus d'un parmi certains militants nationalistes au front bas qui se verraient déchoir de leur nationalité...
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